On passe dans la rue et là, l’horreur un enfant qui se roule par terre. Les pensées qui peuvent nous traverser : « son parent n’a vraiment aucune autorité » ; « heureusement, ce n’est pas le mien »; « encore un parent qui n’a pas compris son enfant ». Qui n’a jamais voulu un enfant avec du caractère, mais qui passe-partout, en société, j’entends.
Mon enfant est-il un tyran ?
Je doute qu’un enfant en bas âge soit un tyran.
Il apprend par mimétisme. Il reproduit ce qu’il voit chez la nounou, à la crèche, au parc ou dans la famille. Un enfant naît avec un espace de personnalité à construire, à fortifier à nourrir. Il fait cela en prenant exemple sur le monde qui l’entoure.
Je prends mon exemple concret. Ma fille est gardée chez la nounou. L’an passé, c’était sa première année après avoir passé 17 mois avec nous.
Ils sont 4 et elle était la 3ème en âge. Elle s’est fait pousser par le plus grand et s’est fait mordre par un autre plus grand plus d’une fois. Que dis-je, au moins une fois par semaine. Elle s’est défendue quand cela était nécessaire et a appris de ces comportements. Elle aussi a mordu, a poussé, surtout lorsqu’elle était malade ou en poussée dentaire.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? Les deux plus grands sont partis et c’est elle la plus grande. Je vous le donne en mille : elle a commencé son année en poussant les plus petits et elle mord sa copine adorée.
Les émotions de l’enfant
Les enfants n’ont pas la capacité de gérer leur émotion avant l’âge de 6/7 ans. Et encore même passé ce cap ça reste difficile. La maturité du cerveau humain n’est complète que vers l’âge de 25 ans selon les neurosciences. Même à 25/30 ans le cerveau humain est imparfait, incomplet, défaillant de l’éducation reçu. Il reste cependant malléable. L’être humain à cette magnifique capacité d’adaptation et de résilience. C’est le chemin du développement personnel, de la connaissance de soi.
Donc, un enfant dont le cerveau est totalement immature, n’est pas en mesure de gérer ses émotions. Il a difficilement la capacité de refréner ses actes, même s’il a conscience que c’est une erreur.
Les réactions de l’enfant.
Un enfant qui a une émotion très vive en lui peut avoir des réactions multiples. Que ce soit de la joie, de la peur, de la colère, de la frustration. Un excès de fatigue, trop de bruit, une lumière trop vive, il va réagir de manière intense et incontrôlée.
En tant qu’adulte résonné, nous allons lui dire, lui répéter que mordre ce n’est pas bien. Nous allons lui donner pour injonction de ne pas mordre. Nous allons tout tenter pour faire en sorte que cet enfant se mette au diapason de la société. Je répète : nous allons lui demander de s’adapter pour qu’il arrête de faire mal à l’autre. Je vous entends dire que c’est normal. Vous avez raison dans un sens. J’y viens plus bas.
Comment se construisent nos enfants ?
Le mimétisme et l’observation sont deux clefs de la construction d’un enfant. Typiquement, ma fille s’est construite en apprenant que taper, pousser et mordre, c’est normal. L’adulte encadrant devrait dire : « Chouquette, tu peux faire autrement. L’an passé Petit R se comportait mal. Tu peux faire autrement » et non « ah eh bien cette année, c’est votre fille qui est le tyran ».
Les cases de notre société ou la fabrication d’enfant tyran.
Dire à un enfant qu’il est comme ceci ou comme cela, c’est le mettre dans une case. Il pourra difficilement s’en sortir, car notre société aime les cases. Lui proposer de faire autrement. L’investir dans la reconnaissance de ses propres émotions en les nommant. Reconnaître nos émotions d’adultes au quotidien est un premier vrai pas. Les enfants sont des être humains en construction, alors accompagnons les. Profitons-en pour grandir avec eux.
Le rôle de l’adulte encadrant
L’adulte encadrant devrait être attentif et à l’écoute des signaux qu’émet l’enfant au fil de la journée. C’est en ça que je dis : « Je répète nous allons lui demander de s’adapter pour qu’il arrête de faire mal à l’autre. »
Ma fille a failli mordre sa copine encore une fois hier. Je pourrais lui dire encore et encore qu’elle ne doit pas mordre. Bon ok, je n’ai carrément pas su me retenir et je lui ai quand même dit plusieurs fois. J’ai demandé les circonstances de la situation et la réponse m’est flagrante : « Nous étions en train de lire un livre et Copine voulait toucher le livre. Chouquette a dit non, tu ne touches pas, c’est à moi ». C’est typiquement une réaction que Chouquette peut avoir quand elle sature d’une ambiance, d’une situation. Elle a besoin de changer d’air. Il n’y a eu aucune sortie dans l’après-midi.
Je vous le demande : comment réagissez-vous quand vous avez été enfermé tout un après-midi dans un espace possiblement bruyant ?
Quand on remet en cause notre rôle de parent !
La maman de la petite fille que mord notre Chouquette nous a proposé un rdv pour trouver une solution. Je dois vous avouer que cela m’a bousculé dans mon rôle de mère. C’est normal que cette maman s’inquiète. Elle souhaite être proactive dans le bien-être au quotidien de sa fille. Cependant, j’ai du mal à visualiser l’issue de cette entrevue. Je me sens remise en question dans mon rôle. J’ai l’impression de mal faire quelque chose. Car l’injonction non affirmée d’être un parent parfait est forte.
Est-ce que je suis vraiment en train d’élever un tyran ?
Non, je sais au fond de moi que c’est non. Par contre, c’est comme si notre société nous évaluait en fonction des actes de nos enfants.
Ma fille mord ! Nous lui expliquons avec son père que cet acte est inapproprié. Elle est impliquée dans la recherche des solutions pour faire autrement. Les émotions et ressentis de l’autre enfant sont pris en compte et exprimés. Des exemples concrets sont évoqués pour qu’elle-même puisse avoir un point de repère. Pourtant, elle continue de mordre, son cerveau est en cours de maturité !
Nous pouvons essayer d’agir sur elle pour qu’elle arrête. Dans une situation comme celle-ci, c’est oublier le besoin de l’enfant au moment où il nuit à l’autre. C’est ignorer les signes avant-coureurs qu’il a donnés et qui n’ont pas été pris en compte par l’adulte encadrant. C’est le placer plus grand que ce qu’il n’est. Son cerveau est immature. C’est lui donner un rôle, dont lui-même ne veut pas. L’impulsion est trop forte, trop grande, trop vive pour qu’il puisse se retenir, il est mis en échec au quotidien.
Le mythe du parent parfait.
Est-ce que je suis une maman parfaite ? Non pas du tout. Hier encore, je pleurais dans les bras de mon chéri à cause de cette situation. J’ai l’impression de ne pas savoir accompagner ma fille. Je pose sur mes épaules une pression inutile. Elle la ressent ce qui accentue possiblement ses comportements agressifs. Elle aussi s’inquiète de me sentir inquiète et nous sommes dans un cercle non-vertueux.
Il est question d’équilibre
Rien n’excuse les morsures de notre Chouquette. J’en suis la première fatiguée. Je stresse même à l’idée du retour de sa journée quand je vais la chercher. Cependant, elle reste un petit-enfant, comme tous vos enfants. Leur besoin, c’est notre soutien, notre fermeté, notre bienveillance, notre amour sans fin. Personne ne sait comment nous donnons le meilleur de nous-même au quotidien.